Dossier

AP-APLD : Quelles règles en 2021 ?

Le régime de l’activité partielle (AP) qui existait au jour du premier confinement datait de 2013. Même s’il a été rapidement adapté à une situation inédite, la persistance de la crise sanitaire a conduit à le réviser complètement et à créer un régime de longue durée (APLD). Décryptons les deux mécanismes qui seront largement sollicités en 2021. 

Le premier confinement et les décisions de fermeture, notamment administratives, de certaines activités en raison de l’épidémie ont naturellement conduit des entreprises et parfois des secteurs entiers à recourir à l’activité partielle pour ne pas licencier les salariés et garder les compétences en prévision d’une reprise d’activité.

L’activité partielle, une arme anti-Covid

Rapidement des mesures pérennes ou temporaires ont été prises pour élargir l’AP à des publics qui n’y avaient pas accès (VRP, employés de particulier employeur), assouplir les conditions d’accès de certaines populations salariées (cadres au forfait jours) mais aussi pour améliorer l’aide de l’État aux entreprises (augmentation de la prise en charge de l’État de manière substantielle et même totale pour la plupart des salariés). Cela a « coûté » beaucoup d’argent public mais c’était le choix du gouvernement que d’éviter alors à tout prix des licenciements massifs.

Après le premier déconfinement, le gouvernement a incité à la reprise d’activité en réduisant la part prise en charge par l’État (reste à charge de 10 % pour les entreprises depuis juin 2020) et l’indemnité d’AP versée aux salariés. Il était prévu initialement de faire progresser le reste à charge de l’employeur à compter de novembre 2020. Mais la seconde vague et le re-confinement ont conduit l’État à reporter cette intention jusqu’à la fin d’année. Ainsi, certains secteurs ont bénéficié d’un régime dérogatoire sans reste à charge jusqu’à la fin d’année.

En parallèle l’État a instauré à compter du 28/06/2020 un second régime d’activité partielle spécifique (appelé ARME ou APLD) qui s’inscrit sur des temps plus longs (jusqu’à 36 mois) mais ne permet qu’une réduction du temps de travail limitée à 40 % et doit passer par un accord d’entreprise. Cette APLD coexistera avec une AP « classique » remaniée en 2021 mais les deux ne peuvent être mobilisées simultanément pour un même salarié.

La « nouvelle » activité partielle de droit commun

Plusieurs changements sont opérés concernant la mise en œuvre de l’activité partielle et le taux d’indemnisation de l’activité partielle de droit commun. L’information du CSE a tout d’abord été précisée. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE doit être consulté en cas de demande d’activité partielle mais également informé des conditions dans lesquelles l’AP a été mise en œuvre à l’échéance de chaque autorisation de recours à l’activité partielle (Code du travail, article R5122-2).

Au début de la crise sanitaire, la durée maximale d’autorisation d’activité partielle a été étendue à 12 mois, renouvelable (contre 6 mois renouvelables auparavant). À compter du 1er janvier 2021, la durée maximale est ramenée à 3 mois renouvelable dans la limite de 6 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 12 mois consécutifs. Cette nouvelle règle concerne les demandes d’autorisation préalables adressées à compter du 1er janvier 2021. Pour les employeurs ayant bénéficié d’une autorisation d’activité partielle avant cette date, on ne tiendra pas compte de cette période pour le calcul des durées maximales. Une dérogation est prévue en cas de sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel : l’autorisation d’AP peut alors être accordée pour 6 mois.

Depuis le 1er juin 2020, un régime d’activité partielle modulé a été appliqué, les règles de remboursement aux employeurs variant selon qu’ils appartiennent ou non à un « secteur protégé ». Pour continuer à soutenir les entreprises, le gouvernement a prolongé ce système jusqu’au 31 décembre 2020. La modulation de l’allocation perçue par l’employeur s’est traduite par un taux fixé à 60 % dans le cas général et à 70 % pour les secteurs sinistrés (Décret n° 2020-810, 29 juin 2020). Il était prévu que le taux de 60 % soit abaissé au 1er novembre. Mais en raison de la persistance de la situation sanitaire et des mesures de confinement, le taux a été maintenu jusqu’au 31 décembre 2020.

Plus de secteurs sont protégés

La liste des secteurs permettant d’ouvrir droit à l’AP majorée a été adaptée et complétée à la fin du premier semestre. L’annexe 1 du décret n° 2020-810 du 29 juin 2020 ajoute le secteur « Conseil et assistance opérationnelle apportés aux entreprises et autres organisations de distribution de films cinématographiques en matière de relations publiques et de communication », celui des « cars et bus touristiques » est remplacé par les secteurs « Transports routiers réguliers de voyageurs » et « Autres transports routiers de voyageurs » plus larges. L’annexe 2 du même décret ajoute aussi cinq secteurs dont le commerce de détail en magasin situé dans une zone touristique internationale, le nettoyage courant des bâtiments et nettoyage industriel.

Taux d’allocation et d’indemnisation réduit au 1er janvier 2021

La baisse est drastique car le gouvernement veut orienter vers l’APLD d’une part, éviter les effets d’aubaine et réduire sa facture d’autre part. Le taux horaire de « droit commun » de l’allocation d’AP (indemnité versée par l’État) fixé à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié (limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC) en application de l’article D. 5122-13 du Code du travail est ramené à 36 % en 2021. Le plancher de l’allocation d’AP est lui aussi réduit de 8,03 € à 7,23 €. L’indemnité d’activité partielle (indemnité versée par l’employeur) passe de 70 % à 60 % de la rémunération brute. L’employeur est toujours tenu d’assurer, pour les salariés à temps complet, une rémunération mensuelle minimale équivalente au montant du SMIC net (C. trav., art. L. 3232-1). La rémunération servant d’assiette à l’indemnité d’activité partielle est plafonnée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC. Certaines conventions collectives comme celle des bureaux d’études assure un niveau d’indemnisation du salarié supérieure.

L’activité partielle de longue durée ou APLD

Ce dispositif spécifique a été mis en place par la loi du 17 juin 2020 à côté de l’AP classique pour faire face à une baisse plus durable de l’activité. Il peut être mis en œuvre par accord depuis le 30 juillet 2020 (date d’entrée en vigueur du décret n° 2020-923) et jusqu’au 30 juin 2022 (date limite pour déposer un accord APLD).

La nécessité d’un accord collectif est une première différence fondamentale avec l’AP classique. Cela permet aux syndicats de négocier les termes de l’APLD comme les modalités de sa mise en œuvre (durée de l’APLD, indemnisation du salarié, organisation du travail pendant l’APLD, ampleur de la réduction du temps de travail sous l’APLD, impact de l’APLD sur les droits sociaux des salariés…) alors que l’AP classique est généralement mise en œuvre de manière unilatérale même si certaines de ses modalités peuvent se négocier. L’accord APLD doit être validé par l’administration

Attention toutefois car l’APLD peut aussi être mise en place en application d’un accord de branche (quelques branches se sont déjà dotées d’un tel accord que les entreprises peuvent appliquer) : dans ce cas l’employeur prend une décision unilatérale pour appliquer l’accord de branche et cette décision doit être homologuée par l’administration. C’est le cas de la convention des bureaux d’études.

Les motifs conduisant à l’APLD sont aussi différents et passent par un bilan sur la situation de l’entreprise et de la réduction durable de son activité. Ce bilan doit faire partie de l’accord. L’entreprise doit en contrepartie de l’APLD prendre des engagements notamment sur l’emploi et la formation qui conditionnent le soutien financier de l’État.

L’APLD consiste en une réduction d’horaires qui ne peut être supérieure à 40 % de la durée légale (soit 14 h/semaine pour un salarié à 35 h) mais la réduction peut s’apprécier sur la durée de l’accord et alterner des réductions plus fortes ou plus faibles dès lors que la réduction est limitée à 40 % sur l’ensemble de la période d’application de l’accord. Les 40 % peuvent aller à 50 % par dérogation.

Le décret n°2020-1316 du 30 octobre 2020 ajoute des précisions au dispositif d’activité partielle de longue durée créé fin juin. L’employeur peut être contraint de rembourser l’allocation versée par l’État lorsqu’un salarié placé en activité partielle est licencié pour motif économique, pendant la durée de recours au dispositif ou lorsqu’est prononcé le licenciement pour motif économique d’un salarié qui n’était pas placé en activité partielle spécifique mais que l’employeur s’était engagé à le maintenir dans l’emploi. Cette contrainte est toutefois modulée car le remboursement peut ne pas être exigé s’il est incompatible avec la situation économique et financière de l’entreprise ou si les perspectives d’activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l’accord collectif ou le document de l’employeur.

L’enjeu est que les moyens mobilisés au titre de l’activité partielle classique (moyens évalués dès avril 2020 à 20 Mds) pendant les confinements ne deviennent pas inutiles parce que les entreprises dégaineraient les licenciements économiques quelques mois plus tard. Pas sûr que cela suffise…
Plus d’infos dans le n° 110 de Social CSE.
Par Ronan Darchen. Photo © elvtimemaster de Pixabay 

RÉFÉRENCES JURIDIQUES

Trois décrets consacrés à l’activité partielle ont été publiés au JO du 31 octobre 2020. Le niveau d’indemnisation de l’activité partielle a été maintenu inchangé en novembre et décembre 2020 en raison du reconfinement. Les autres réformes ont été décalées au 1er janvier 2021, à l’exception de celles relatives à l’information des représentants du personnel qui s’appliquent au 1er novembre 2020.

BON À SAVOIR

Les périodes d’activité partielle n’impactent pas l’acquisition des CP ; l’acquisition de l’ancienneté ; le revenu de référence et le temps de présence pour les primes d’intéressement et de participation ; le calcul de l’indemnité de licenciement ; les allocations de congé de mobilité, congé de reclassement et CSP ; les droits à la retraite de base (depuis la loi du 17/06/2020) et à la retraite complémentaire (points gratuits au-delà de 60 h d’AP dans l’année civile) ; le bénéfice de la mutuelle et de la prévoyance ; les périodes d’activité partielle impactent en revanche ; l’acquisition de JRTT (salarié au régime horaire) et l’acquisition de jours de repos (uniquement si l’accord forfait jours a prévu une proratisation en cas d’absence).

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