Planète CSE

« La coconstruction de l’accord formation change de la pratique habituelle » (CSE Safran)

Les négociateurs syndicaux de l’accord formation de Safran ont bénéficié de l’appui du cabinet de conseils Entreprise & Personnel. Patrick Potacsek (photo), coordinateur syndical CFE-CGC du groupe Safran, délégué syndical central et élu au CSE central de Safran Aircraft Engines, revient sur cette expérience qui a permis à chaque négociateur d’apporter sa contribution sur un sujet pourtant technique. 

Fin juillet, les 4 syndicats de Safran dont la CFE-CGC ont signé un accord sur la formation dont la particularité est qu’il fut coconstruit. En quoi cela consiste-il ?

L’accord formation signé en juillet 2021 par la CFE-CGC, la CFDT, la CGT et FO prend la suite de précédents accords, parvenus à terme, relatifs à la formation mais aussi au contrat de génération et à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Il intègre les évolutions de la législation intervenues dans l’intervalle. À savoir : la loi Avenir professionnel de 2018 et les dispositifs du plan de relance.

Avant l’élaboration de l’accord formation, fin 2020 début 2021, nous nous sommes retrouvés entre organisations syndicales pour plusieurs séances de travail avec l’association Entreprise & Personnel, spécialisée dans le conseil en ressources humaines. L’objectif premier ? Que les négociateurs syndicaux disposent du même niveau d’information sur les évolutions législatives. Il fallait d’autre part opérer un tri entre les multiples dispositifs du plan de relance et de la loi Avenir professionnel, et leur donner une cohérence. Faute de quoi, l’accord n’aurait été qu’une suite de mesures sans ligne directrice.

Lors de ces séances les consultants d’Entreprise & Personnel nous présentaient les différents dispositifs. Nous nous réunissions ensuite par organisation syndicale, puis chacune donnait sa position au cours d’un débat collectif. Enfin, Entreprise & Personnel établissait un relevé de conclusions. La direction s’en est servi pour élaborer la première mouture de l’accord.

Quel bilan tirez-vous de cette méthode ?

Cette coconstruction change de la pratique habituelle qui voit la direction faire des propositions, à prendre ou à laisser. La méthode s’inscrit dans la dynamique actuelle du dialogue social chez Safran, qui a débouché en 2020 sur un accord évitant les licenciements et les départs contraints malgré une crise particulièrement dure pour le secteur aéronautique. En octobre, soit 18 mois plus tard, nous avons signé cette fois un accord de sortie de crise qui prévoit des augmentations générales et une reprise des embauches.

Pour revenir à l’accord formation, la mise à niveau des participants a évité que les débats ne soient réservés qu’à un nombre limité de négociateurs : les spécialistes de la formation professionnelle. À cette occasion, j’ai également constaté une évolution des relations de confiance entre organisations syndicales ainsi que le souhait d’aboutir collectivement à un résultat.

La condition de réussite de cette méthode est la neutralité des consultants chargés de l’animation dans les débats. Cela a été le cas de ceux d’Entreprise & Personnel. L’expérience est donc plutôt positive. Je pense que la méthode est applicable à d’autres sujets de négociation.

Quelle est la ligne directrice de cet accord formation ?

L’idée générale réside dans le fait que les salariés doivent être les acteurs de leur évolution professionnelle. Les métiers de Safran vont évoluer en raison de l’internationalisation de nos marchés, des évolutions technologiques et de la transition énergétique. Les salariés ne pourront pas conserver le même métier pendant toute leur carrière. Pour conserver leur emploi, ils devront se mettre en mouvement. L’accord formation est une grosse boîte à outils : observatoire des métiers pour repérer ceux qui sont en transformation, qui vont croître ou décroître ; entretiens professionnels ; conseil en évolution professionnel tel que défini par le Code du travail…

La direction s’engage-t-elle sur de nouveaux droits pour les collaborateurs ?

L’accord court jusqu’à fin 2025. Pendant cette période, l’entreprise s’engage à augmenter progressivement le temps formation moyen des salariés : au minimum 18 heures en 2022 et 26 heures en 2025, hors formations obligatoires. D’habitude, l’effort de formation de l’entreprise est exprimé en pourcentage de la masse salariale. Mais on ne dit rien de l’accès effectif de chaque salarié à la formation. L’un peut bénéficier de nombreuses formations et l’autre se les faire refuser plusieurs années de suite. C’est un problème que l’on nous remonte régulièrement. Dans l’accord, l’engagement de Safran concerne chaque individu. C’est un message beaucoup plus fort. Par ailleurs, les collaborateurs de l’entreprise ont la garantie de bénéficier d’une formation tous les 4 ans, quand la loi Avenir professionnel en prévoit une tous les 6 ans.

L’accord veut faciliter les initiatives individuelles de formation. De quelle manière ?

L’accord distingue 3 types de formations. Celles qui sont à l’initiative de l’employeur sont prises en charge par ce dernier, dans le cadre du plan de développement des compétences. Mais un salarié peut aussi être à l’initiative d’une demande de formation. Celle-ci peut intéresser le groupe Safran, par exemple, si elle est certifiante et qu’elle concerne un métier en transformation. Le projet du salarié est alors discuté avec la direction, qui peut décider de prendre en charge les coûts de la session et de s’engager à faire une proposition de poste au salarié. Les engagements réciproques sont formalisés par écrit, dans un document. Enfin, même si une formation n’intéresse pas a priori l’entreprise, la qualification qui en découle est reconnue et le salarié peut postuler aux offres de la bourse à l’emploi.

La transition écologique fait partie des attributions du CSE depuis la loi Climat, votée au mois d’août 2021. Comment cette loi se met-elle en œuvre ?

Cette loi est trop récente pour en voir déjà les effets. Je rappelle néanmoins que Safran s’est déjà engagé depuis 3 ans dans un projet bas carbone conformément aux objectifs de la Cop 21. Son but est d’identifier les sources d’émission de gaz à effet de serre, issues des activités industrielles de l’entreprise et de mettre en place des moyens afin de les réduire. Des objectifs annuels sont déclinés par société et par établissement.

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