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Temps de pauses obligatoires : que dit la loi ?

Une journée de travail comporte des périodes de travail effectif (comptabilisées dans la durée du travail que doit réaliser un salarié) mais est aussi entrecoupée d’un ou de plusieurs temps de pause. L’amplitude de la journée de travail intègre donc les pauses. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont toutes considérées comme du temps de travail effectif rémunéré. On vous explique tout ! Par Ronan Darchen (cabinet Alinea).

© Photo Free Photos de Pixabay

Si la pause au travail est la plupart du temps une obligation légale pour l’employeur, elle est parfois prévue dans les organisations en dehors de toute injonction légale dans un souci de protection des travailleurs, pour tenir compte de la pénibilité du travail, pour éviter les accidents du travail ou simplement pour travailler dans de meilleures conditions. Les conventions et accords collectifs peuvent donc aussi comporter des dispositions spécifiques en matière de pause. Pensez à regarder votre convention collective !

Comment définir la pause ?

Concrètement, la pause consiste en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité et pendant ce temps, le salarié n’est plus tenu de se conformer aux directives de l’employeur : il peut vaquer librement nous dit le Code du travail à ses occupations personnelles : téléphoner, se connecter aux réseaux sociaux, lire le journal, manger, fumer, boire un café, discuter avec ses collègues ou ne rien faire…

Des obligations minimales interviennent pour l’entreprise après 6 heures de travail. La loi (article L 3121-16 du Code du travail) indique que tout salarié doit bénéficier d’une pause d’au moins 20 minutes consécutives dès que son temps de travail quotidien atteint 6 heures. Ainsi, le droit à la pause naît à partir de 6 heures de travail. Pour autant, les organisations du travail retenues dans les entreprises n’interdisent pas bien sûr de donner cette pause avant d’avoir atteint les 6 heures ni même d’octroyer une pause d’une durée supérieure aux 20 minutes légales. Pour des emplois de bureau « classiques », ces 20 minutes sont souvent dépassées et constituent en réalité la pause déjeuner après les 3 ou 4 heures de travail de la matinée. Dans ce cas, la loi est parfaitement respectée. En revanche, un salarié à temps partiel dont les horaires sont 8 h 00-13 h 00, du lundi au samedi, ne déclenchera jamais ce droit à la pause de 20 minutes puisqu’il ne réalise que 5 heures de temps de travail effectif chaque jour.

Notez également que la pause minimale de 20 minutes après 6 heures de travail doit être une pause en un seul bloc. Ainsi, il n’est, par exemple, pas possible de la remplacer par une pause de 3 ou 4 minutes par heure de travail. Il s’agit en effet d’une mesure de santé : les 20 minutes consécutives sont importantes pour que le salarié puisse réellement souffler dans l’exécution de son travail. Si dans une entreprise il est accordé 10 minutes de pause au bout de 3 heures de travail effectif (situation courante d’une pause-café dans la matinée), la seconde pause devra forcément être une pause d’au moins 20 minutes pour respecter la législation. En effet, les 20 minutes doivent être octroyées quand les 6 heures de travail ont été réalisées même si elles n’ont pas été effectuées d’une seule traite.

Il faut souligner que cette obligation concerne tous les salariés, y compris ceux qui sont soumis au forfait jours bien que ces derniers soient en principe libres d’organiser leur journée de travail (et donc leurs pauses au sein de cette journée). Ce sera la même chose en cas d’horaires individualisés : dans ce cas, le salarié a une certaine liberté de ses horaires mais il devra respecter les 20 minutes de pause après 6 heures de travail. On comprend bien là qu’il s’agit d’une mesure de santé qui s’impose à tous et même au salarié « autonome » ou en télétravail.

La pause doit être effective !

Et oui ! Sinon ce n’est plus une vraie coupure. Ainsi, pendant une pause, que celle-ci soit uniquement de 20 minutes ou plus longue, les salariés sont en principe libres et ne doivent pas rester à la disposition de leur employeur. Si des injonctions de l’employeur existent pour rester disponible pendant ces temps, l’entreprise s’expose à ce qu’il soit considéré que la pause n’a pas été réellement octroyée. Des spécificités à l’intention des jeunes salariés et pour certains métiers existent.

De fait, pour les salariés de moins de 18 ans la loi aménage les obligations en matière de pause en leur offrant une meilleure protection. Pour ces jeunes travailleurs, la loi oblige les entreprises à octroyer au moins 30 minutes consécutives de pause après quatre heures et demie de travail effectif (article L 3162-3 du Code du travail). De même pour certains métiers il existe des dispositions légales spécifiques. Les personnels roulant des entreprises de transport routier par exemple ont un temps de conduite sans interruption limité à 4 h 30 et ces salariés bénéficient d’une pause de 30 minutes lorsque le temps total de leur travail quotidien est supérieur à 6 heures. Leur temps de pause est porté à 45 minutes lorsque la durée totale de travail quotidienne est supérieure à 9 heures. Pour ces conducteurs, les pauses peuvent être subdivisées en 3 fois 15 minutes ou une fois 30 minutes et une fois 15 minutes et doivent dans tous les cas être organisées pour ne pas dépasser les temps maximals de conduite.

Temps de pause et rémunération

Les temps de pause ne sont pas considérés par la loi comme un temps de travail effectif et ne sont en principe pas rémunérés ; sauf disposition conventionnelle ou contractuelle plus favorable. Toutefois dans le cas où des pauses existeraient mais ne seraient pas réellement effectives (par exemple, collaborateur en pause régulièrement dérangé ou avec des obligations de rester présent à proximité de son poste de travail), les salariés seraient parfaitement fondés à solliciter des dommages et intérêts pour défaut de pause en sus bien sûr d’obtenir a posteriori la rémunération des temps de pauses qui n’en étaient pas et une requalification en temps de travail effectif avec tout ce que cela peut impliquer  à commencer par le déclenchement d’heures supplémentaires.

Notez que des dispositions conventionnelles s’avèrent parfois plus généreuses que ce que prévoit le Code du travail. Si les 20 minutes après 6 heures de travail sont le minimum légal, des accords collectifs peuvent naturellement comporter des dispositions plus favorables concernant le droit à la pause : il peut s’agir de pauses plus longues ou plus fréquentes. Les accords ou conventions peuvent réserver ces dispositions spécifiques sur les pauses pour certaines catégories de personnel seulement et notamment pour tenir compte de la pénibilité ou de la fatigue générée par le travail. Il arrive aussi que des conventions ou des accords collectifs prévoient que tout ou partie des pauses donnent lieu à une rémunération ; voire soient assimilées à du temps de travail effectif. Dans ce dernier cas, ces temps sont non seulement rémunérés mais pleinement intégrés dans la durée de travail effectif pour peut-être déclencher des heures supplémentaires majorées ou des heures complémentaires s’il s’agit d’un salarié à temps partiel. Prenez un peu de temps pour réviser vos conventions et accords et examinez le régime juridique associé aux éventuelles pauses conventionnelles.

Ainsi, par exemple, la convention collective de l’horlogerie prévoit une pause quotidienne de 45 minutes au minimum pour le déjeuner lorsque le salarié travaille plus de 6 heures dans la journée et celle des métiers du verre prévoit une pause payée de 30 minutes pour les salariés amenés à travailler 6 heures d’affilée. La CCN des télécoms prévoit que dans les centres d’appels les salariés qui sont soumis de manière continue à des appels fréquents et répétés, bénéficient d’une pause de 10 minutes toutes les 2 heures qui est rémunérée et assimilée à du temps de travail effectif. Les conventions peuvent aussi prévoir des pauses pour des situations particulières (femmes enceintes ou allaitantes, par exemple).

Les pauses ennemies de certains salariés ?

Si la pause apparaît de prime abord comme un réconfort pour le salarié (même quand elle n’est pas rémunérée), il y a aussi parfois un revers de médaille quand les pauses sont longues, imposées, associées à un travail fractionné et se traduisent donc par des amplitudes conséquentes de la journée de travail avec beaucoup de temps inutiles pour le salarié. Certains métiers sont particulièrement exposés comme les aides à domicile que l’on planifie au gré de besoin des clients sans forcément être attentif au planning individuel et à l’amplitude imposée au salarié. Par ailleurs, pour les salariés à temps partiel qui connaissent une durée de travail réduite et donc un salaire réduit, la loi a prévu une limitation des pauses pour éviter que ces travailleurs ne connaissent une trop grande amplitude. Ainsi l’article L 3123-30 du Code du travail prévoit que « l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures ». Et s’il n’est pas interdit de déroger par accord à cette limitation des pauses, c’est à la condition que l’accord prévoit des contreparties pour les salariés concernés ou en tous cas que l’amplitude horaire imposée soit contenue (voir sur ce point l’article L 3123-23 du Code du travail).

Pauses informelles : quelles tolérances ?

Au-delà de ces aspects légaux ou conventionnels, il faut aussi reconnaître que toutes les pauses au travail ne sont pas toujours très formalisées. Ainsi dans la plupart des entreprises, les pauses « cigarette » ou café sont tolérées et relativement libres tout en s’exerçant sur les horaires de travail sans qu’aucune déduction du temps de travail n’intervienne.  C’est important pour les conditions de travail de laisser ces espaces et sauf contrainte très spécifique du métier (travail posté, à la chaîne, en intervention extérieure contrainte où elles peuvent être davantage normées et bornées dans le temps), elles ne sont la plupart du temps même pas discutées dans leur principe par les directions d’entreprise qui les admettent et les tolèrent. Une étude américaine a toutefois osé chiffrer qu’un fumeur coûterait en pauses informelles payées environ 4 600 € par an à l’employeur. Cette même étude considère que toutes ces pauses informelles représenteraient 24 minutes quotidienne sur le temps de travail effectif. Ces statistiques sont bien sûr à relativiser car tous les salariés ne sont pas forcément à la minute sur leurs horaires de travail d’une part et réalisent, avec ou sans pauses répétées, leurs objectifs. Les pauses-café sont aussi des temps sociaux qui participent à souder les équipes ou à solutionner une question de travail. Pour autant, si des salariés abusaient des pauses au point de réduire significativement les temps consacrés au travail ou n’étaient pas joignables car systématiquement en relâche, le management pourrait parfaitement faire un rappel à l’ordre voire sanctionner même si ces situations restent rares et limitées à des abus manifestes.

C’est finalement une question de responsabilité et d’équilibre : les pauses masquées pour entreprendre des démarches personnelles ou se divertir durant le temps de travail sont plus clairement sanctionnables. Aujourd’hui, s’échapper est facile avec un smartphone ou l’accès internet depuis son PC pour s’octroyer des temps personnels sur le temps de travail. Il y a une certaine porosité et si la vie professionnelle s’invite parfois dans la vie personnelle au point que le législateur insiste sur le droit à la déconnexion, l’inverse est aussi vrai. Tout est donc une question de respect mutuel : celui du contrat de travail par ses signataires, employeur et salarié.

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