Loisirs

Les jolies colonies… Merci qui ?

Le coût moyen d’un séjour en colonie de vacances varie entre 400 et 900 euros la semaine. Certes, la grande majorité des départs sont aidés par les CSE et les municipalités. Pourtant, entre 2017 et 2019, le nombre de jeunes partis en séjours collectifs a baissé de 12 %. Alors qu’ils étaient 4 millions dans les années 1950, aujourd’hui un million d’enfants partent en colonie, l’été. En 2020 hélas, la pandémie n’a pas inversé la tendance baissière…

Par Aude Aboucaya
(© Photo Bob Dmyt de Pixabay).

Selon une enquête de l’Observatoire des vacances, des loisirs, des enfants et des jeunes (Ovlej), 48 % des parents interrogés juste avant l’été 2020
« envisageaient un départ en séjour collectif » pour leur progéniture cet été. Avant le confinement, 70 % avaient même prévu des inscriptions. Mais, l’activité du secteur qui effectue 80 % de son CA annuel entre février et juin selon les chiffres du syndicat les Entreprises du voyage et du SETO (Syndicat des entreprises du tour operating), a été mise à mal : les voyages scolaires et linguistiques ont quasiment tous été annulés. Des incertitudes demeuraient pour les séjours à l’étranger. Les prestataires ont dû trancher dans le vif…

Le camp de la prudence…

Certains organisateurs de séjours pour enfants ont été contraints d’annuler en masse les départs cet été. Ce fut le cas notamment du groupe CEI, « le protocole sanitaire trop lourd à gérer étant intervenu tardivement. Il était impossible à quelques semaines de la saison de programmer le départ de milliers de jeunes, d’assurer leur sécurité tout en réalisant un énorme recrutement d’animateurs », note Thibault Dufresne, directeur général. Même discours chez CLC. « La santé et la sécurité de nos équipes étant notre priorité et compte tenu de l’annulation des séjours de cet été, nos bureaux et lignes téléphoniques sont actuellement fermés (…). Nos séjours Toussaint 2020 & Hiver-Printemps 2021 sont prêts. Venez les découvrir en vous connectant à notre site www.clc.fr », pouvait-on lire en retour de mail envoyé à Irène Grelon, responsable commerciale Paris-IDF. Renaud Faucilhon en charge de la communication d’Eole Loisirs attestant d’un portefeuille clients composé de 85 % de CSE (de 400 à 10 000 salariés) et proposant des séjours à New York, sur la côte ouest des États-Unis, en Thaïlande, au Costa Rica, Panama, Brésil et Japon, fait état « d’un bilan catastrophique avec – 75 % de CA et – 80 % d’activité. Les séjours du printemps, de l’été ont tous été annulés ; soit 2 périodes où nous avons habituellement le plus de travail. Il ne reste à présent que l’automne et Noël mais cela demeure anecdotique. Nous n’avons néanmoins pas fermé et évité le chômage technique en tenant à bout de bras nos projets, et en développant d’autres. Sur le volet de la créativité, de la résilience, et de l’esprit d’équipe, le bilan est positif. La pandémie a révélé des équipes soudées. Nous avons tout investi dans la vie et survie de l’entreprise. Nous sommes aujourd’hui convalescents et inquiets pour l’avenir car notre agence est réputée pour ses voyages à l’étranger ». Une inquiétude partagée par le groupe CEI dépendant de la reprise du trafic aérien et de la réouverture des frontières pour ses séjours à l’étranger. CEI évalue une reprise progressive à 70 % à l’été 2021. Djuringa Juniors, où 20 % des clients sont de gros CSE (ministères de la police, des finances, RATP…) et de petits, progresse sur ce segment avec une trentaine d’entreprises (10 en 2017). Cette année, hélas, dès le 16 mars, les centres et les séjours furent fermés et l’entreprise s’est attelée aux procédures d’annulation ou de report. « Djuringa n’a pas demandé d’acompte aux CSE en mars pour qu’ils puissent annuler jusqu’au dernier moment. Jusqu’en mai, on avait de l’espoir. Mais les consignes du gouvernement n’étant pas claires, nous avons privilégié la sécurité du personnel et des enfants et avons préféré annuler nos séjours. Les équipes ont pu bénéficier de 6 semaines de vacances ; ce qui d’ordinaire n’arrive jamais. Nous avons mis en place selon les termes de l’ordonnance du 25 mars des avoirs valables 18 mois dans le cadre de notre relation très fidèle à nos clients. Parfois, nous avons procédé pour nos clients individuels à des remboursements en deux fois, l’un début juillet sur notre trésorerie propre puis en septembre, le temps d’obtenir notre PGE. La préparation de l’année 2021 a été anticipée avec un gros travail sur nos catalogues (Toussaint-avril et été pour les 6-18 ans) », souligne Damien Dechaud, gérant. L’organisateur disposant de 3 centres à la Toussaint (60 à 120 places), 15 lors de la période estivale, mais aussi de 70 séjours en Europe et à l’étranger (Espagne, Angleterre, Croatie, Italie, Grèce, Pologne, Canada, et Antilles), devra reporter ultérieurement son projet de développement en Asie. La Toussaint semble s’annoncer sous de meilleurs auspices « avec une demande plus importante de la part des CSE comme des individuels. Nous enregistrons + 25 % de croissance vs 2019. Idem pour les colonies de février ».

« Intéressés par la gamme de séjours de Supernova découverts sur le Net, nous avions programmé en 2020 3 séjours estivaux à Bayonne pour 40 petits et 1 en Corse pour 20 enfants plus âgés. Nous avons pris la décision d’annuler nos séjours au vu la crise sanitaire et du fait de la réticence des parents et entendons reporter les projets annulés en 2020 l’an prochain »,


Philippe Couffignal, secrétaire du CSE de Gascogne Papier (entreprise de 350 salariés).

… et le camp du maintien

Mis à l’arrêt en mars puis autorisés le 22 juin, les séjours collectifs maintenus furent un véritable casse-tête à organiser à quelques semaines des grandes vacances. Entre temps, le protocole sanitaire pour les accueils collectifs de mineurs a été allégé. « Après avoir hésité, nous avons décidé de maintenir une offre de colonie de vacances en France soit 25 % de notre activité habituelle. Au total, 1 000 jeunes de 6 à 16 ans sont partis sur 2 destinations : à Pézenas pour les ados et dans le Sud de l’Ardèche pour les plus jeunes. Nous n’avons recensé aucun cas de Covid. Les enfants étaient privés de loisirs depuis quelques mois. Fallait-il continuer à les priver ? Supernova Juniors a tranché en faveur du non. Toutes les places ont été vendues mais l’immense majorité des CSE n’a pas suivi. Quelques-uns ont juste maintenu leurs aides aux familles sur présentation de factures. Nous avons reçu des annulations dès le mois de mai », observe Julien Carret, adhérent de Resocolo et dirigeant de Supernova Juniors dans un bilan mitigé. « Le nombre de réservations à beaucoup augmenté en juin, on a croulé sous les demandes, d’autant que les règles sanitaires ont encore été assouplies depuis le 18 juin », a confié à La Croix Johann Olivier, directeur de Vacances pour tous-Ligue de l’enseignement. Le nombre d’enfants par groupe n’est plus limité à 12, comme annoncé dans un premier temps, les lits superposés ont été autorisés, à condition d’imposer le tête-bêche. La distance d’un mètre entre les lits est toujours de mise à l’instar du port du masque
« obligatoire pour les encadrants lorsque la distanciation physique n’est pas possible ». Quant aux repas, ils ont suivi les mêmes règles que dans l’hôtellerie-restauration : distance d’un mètre entre les tables ou avec séparateurs quand l’écart réglementaire n’est pas jouable. Un référent Covid-19 a dû être désigné sur chaque site et les locaux ont dû être désinfectés 2 fois par jour, tout comme les véhicules de transport où les chauffeurs sont masqués.

Do you speak frenglish ?

Certains parents ont privilégié l’option « séjours linguistiques hexagonaux » qui existent de longue date mais restaient très minoritaires, avant que la pandémie ne bouleverse la donne et ne les multiplie cet été. Fragilisés par la crise, bon nombre d’organisateurs de séjours à l’étranger ont choisi de ne pas jongler entre règles sanitaires complexes et organisation tardive. « Outre la fermeture de certaines frontières aux Français, quand on travaille avec des mineurs, il est très compliqué sur le plan technique de maintenir des séjours à l’étranger avec des groupes masqués et divers protocoles sanitaires propres à chaque pays. Nous avons dû proposer des reports : séjours estivaux à la Toussaint, annulation à New York, Montréal, Dubaï qui a des exigences sanitaires difficiles à satisfaire. Certains pays requièrent un test PCR de moins de 48 h avant le départ et sur place moyennant 100 € /vacancier. En outre, les protocoles concernant les mineurs évoluent. La dernière version en date assouplie fut publiée le 21 septembre. Nos séjours d’automne ne nous sauveront pas mais nous donneront un peu d’air. L’éventualité de les annuler est toujours présente et nous réfléchissons à changer leur mode de fonctionnement en nous dirigeant vers des séjours en France. Nous avons déjà organisé un week-end au Puy du Fou et au Futuroscope… », souligne Renaud Faucilhon.

Leader des voyages scolaires et disposant d’une offre pour la tranche d’âge 6-25 ans, le groupe CEI a de son côté « été épargné sur le volet des colonies et séjours linguistiques. De fait, nous travaillons avec des prestataires de longue date qui ont joué le jeu des avoirs à réutiliser sur les destinations concernées. Par ailleurs, nous sommes parvenus à conserver quelques séjours linguistiques individuels à Malte, en Irlande, Angleterre où les quarantaines furent stoppées le 10 juillet. Certains CSE avec lesquels nous nous efforçons d’établir un vrai partenariat et qui avaient procédé à des annulations ont toutefois proposé à leurs salariés de passer en direct avec CEI pour des séjours individuels subventionnés. Mais cela ne compense hélas pas notre perte de CA. Frappé par l’interdiction des voyages scolaires en Europe dès le 1er mars, le groupe a été très impacté. Il y a eu 2 phases dans cette crise évolutive durant laquelle nous avons communiqué de manière régulière, fiable auprès de nos clients et avec prudence. En mars-avril-mai, alors que nous effectuons 70 % des voyages scolaires de l’année avec 330 groupes sur le départ, nos équipes ont dû gérer en mars les annulations et reports, la relation fournisseurs (hébergeurs, compagnies aériennes, guides culturels…) nous imposant parfois des frais d’annulation sur les voyages scolaires s’élevant de 30 à 50 %. Nous avons dû gérer la relation clients dont celle avec les CSE. Là encore, des avoirs de 18 mois (remboursables au-delà) ont été autorisés par l’ordonnance du 25 mars. Les séjours des CSE, engagés avec nous en mars 2020 mais pas encore sur la période charnière de juillet-août, ont donc été reportés à Pâques et à la Toussaint 2021. Cela a permis de conserver une trésorerie. Si la crise était intervenue en juin, la situation aurait été plus problématique », indique Thibault Dufresne qui entend proposer pour l’année 2021 une offre plus hexagonale avec notamment de l’immersion dans des familles anglaises en France et des produits davantage centrés sur du moyen que du long courrier.

Les colos apprenantes ou la cloche dissonante

Désormais, certains professionnels comptent aussi sur le soutien de l’État. Et ce, depuis que 4 initiatives sur le thème des « vacances apprenantes » financées par une enveloppe de 200 M€ ont été déployées à l’été. Objectif : permettre à 1 million de jeunes issus de quartiers prioritaires de rattraper le retard accumulé depuis le début du confinement et notamment, de partir en vacances cet été. Parmi elles, l’école ouverte, l’école ouverte buissonnière axée sur le développement durable, les accueils de loisirs apprenants et enfin, les colos apprenantes. Soit la grande nouveauté du plan gouvernemental au « contenu ludique et éducatif », a expliqué Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale. Cet été, l’UCPA a d’ailleurs décidé de mettre en place 40 000 colos apprenantes.

Début septembre, le gouvernement annonçait que 950 000 enfants avaient bénéficié du dispositif dont 250 000 ayant assisté aux écoles ouvertes avec 20 000 enseignants pour les encadrer.

Pour autant, le dispositif est loin de faire l’unanimité… « Comment motiver un jeune à aller en vacances alors qu’on s’apprête à lui faire école ? », s’interroge Jean-Michel Bocquet, directeur du Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne (MRJC) et enseignant à l’université Paris 13, lors d’une interview à France Culture. Quant à l’instauration d’un label « colonies apprenantes » souhaité par le gouvernement, l’enseignant est perplexe : « Si les enfants sont décrocheurs, c’est bien que l’école pose problème. Et pourquoi aller chercher un public cible ? Toute la richesse d’une colo, c’est justement de toucher le plus grand nombre ». Une opinion que partage Julien Carret : « Supernova qui organise des séjours adaptés pour adultes et dans ses séjours enfants, mêle des jeunes en situation de handicap aux autres, n’a pas souhaité organiser de vacances apprenantes. Il n’y a pas d’adhésion à ce schéma, car selon nous une colonie est de fait, éducative. Pourquoi le gouvernement n’est-il pas resté sur l’existant ? J’ai l’impression qu’il a fallu réinventer en 1 mois un métier qui a 120 ans : ce n’est pas possible. Il y a une méconnaissance de notre métier qui nécessite plus d’échange avec les acteurs du secteur ». Pour Jean-Michel Bocquet, ce dispositif est « une fausse évolution, voire un retour en arrière. Initiées par Edmond Cottinet, les colos apprenantes, ou colonies scolaires, datent de la fin du XIXe siècle. Ce n’est pas une idée moderne du tout ».

Pour balayer d’un revers de main la polémique, certains se tourneront vers davantage d’innovation. Préférer aux cours formels classiques du matin des activités sportives et éducatives en version originale est une vraie tendance amorcée depuis plusieurs années par CEI dans le cadre des séjours linguistiques. Des activités plus solidaires aussi générant des interactions entre autochtones et jeunes pour répondre à la demande des CSE. Chez Eole Loisirs, « avec la pandémie, l’hébergement surtout posait problème. D’où le regain d’intérêt pour nos journées récréatives lancées il y a 25 ans et adaptées aux CSE. Il s’agit d’une journée complète lors de laquelle on récupère en bus les enfants au pied de l’entreprise. Ils s’adonnent alors à une première activité, déjeunent au restaurant le midi puis réalisent une seconde activité, prennent le goûter et sont ramenés au point de départ. Nous avons décliné le concept sur une semaine entière avec des activités d’extérieur pour répondre aux exigences sanitaires (chasse au trésor, escape game, escalade, VTT, trottinette…). Des plateaux repas sont distribués lors d’un pique-nique respectant les règles de distanciation physique. 2 000 enfants au total ont pu bénéficier de cette offre ».

Deux nouvelles destinations en France ont par ailleurs vu le jour chez Supernova Juniors : l’une dans un camping attractif au Cap d’Agde pour les 12-16 ans, avec de très nombreuses activités réalisables, à proximité avec la mer et la seconde dans un centre près de la rivière de la Drôme proposant de l’activité de pleine nature, à l’américaine, dans les bois (construction de radeaux, cabanes dans des chalets en bois, avec du kayak, de l’escalade…). De quoi réjouir les 6-8 ans et 9-11 ans !


PAROLE D’ÉLU

« Cette année, tous nos séjours ont été annulés et reportés en 2021 »

Jérôme Garèche, délégué syndical chez Veolia Eau centre-est et secrétaire du CSE.

Veolia Eau compte 12 000 salariés (50 000 dans le groupe). Nous nous sommes rapprochés de Djuringa Juniors, une entreprise attestant d’un certain historique, proche de nous car basée à Lyon, avec des valeurs sociales, humaines communes à Veolia. D’ordinaire, nous ponctuons toutes les saisons de séjours proposés par Djuringa : séjours en France, ski, colonies estivales, printanières… Cette année, tout a été annulé pour la centaine d’enfants de nos ayants droit. Les salariés ont néanmoins bien réagi, saisi le sérieux du prestataire et du CSE au vu de la situation. En cas de Covid déclaré, et ce, même si toutes les règles ont été respectées, la responsabilité incombe au secrétaire du CSE, coorganisateur des séjours avec Djuringa. Désormais, on croise les doigts pour faire partir les enfants de nos bénéficiaires cet hiver. Le catalogue nous a été envoyé en octobre, et nous sommes actuellement en train de recueillir les inscriptions pour Noël et février 2021. Nous prévoyons une offre classique de ski pour les 6-11 ans, de la « neige-aventure » avec chiens de traîneaux pour les 7-13 ans, des sports mécaniques (quad et cross) pour la tranche 12-15 ans, du ski et fun à sensation à Courchevel à destination des 13-17 ans, et enfin un séjour « gamers video (jeux sur console) » dans un centre à Retournac pour les 11-15 ans qui accueille aussi un séjour « Aventuriers » pour les 6-10 ans au printemps (tir à l’arc, course d’orientation, escalade, sculpture sur bois…). Juste avant l’été, nous proposons également de la moto, de la conduite écolo aux 8-12 ans, une activité d’équitation en Haute-Loire baptisée « Tous en selle » dévolue aux 12-15 ans. La liste n’est pas exhaustive… 

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